À la fin de son livre « Le symbolisme astrologique », Wirth nous présente ses trois ouvrages « Le symbolisme astrologique », « Le symbolisme hermétique » et « Le tarot des imagiers du Moyen-âge » comme étant « trois livres qui furent conçus en tri-unité ». Nous allons voir que le deuxième tarot de Wirth en est l’illustration commune.
En 1889, Oswald Wirth répondait à une commande faite deux ans plus tôt, en 1887, par Stanislas de Guaita. Il s’agissait de réaliser un tarot dépouillé d’apports contestables, et de restituer le mieux possible le tarot médiéval, tout en mettant en évidence la relation entre les 22 Arcanes et les 22 lettres de l’alphabet hébraïque, outils de la Kabbale.
Pour cela, Guaita confia à Wirth deux tarots anciens, l’un français, l’autre italien. Il lui enjoignit aussi de s’inspirer des quelque 70 pages qu’Eliphas Lévi avait consacré au tarot dans son ouvrage « Dogme et rituel de haute magie ».
Lorsque Wirth publia en 1926 son deuxième tarot, un an avant son ouvrage « Le Tarot des imagiers du moyen-âge », le public découvrit une frise qui n’existait pas près de quarante ans auparavant. Ce décor, doré sur toutes les lames sauf sur la Papesse, est souvent qualifié de « phénicien », simplement parce que l’on y retrouve les caractères de la langue que Wirth décrira comme « primitive » (au sens de « première »), dont sont issus les caractères grecs, latins et — par l’intermédiaire de l’araméen — les alphabets arabe, tibétain, indiens (en particulier devanagari), et certains systèmes d’écriture utilisés en Chine et en extrême-orient.
Mais cette frise contient beaucoup d’autres symboles, destinés à mettre en évidence la parenté entre les diverses transmissions traditionnelles que sont le tarot, la kabbale, l’astrologie, l’alchimie, et la franc-maçonnerie.
Prenons pour exemple la première Arcane. Le Bateleur est à la fois une représentation du Divin, et de son reflet dans le monde phénoménal : l’homme. C’est pourquoi son chapeau, dont la forme en lemniscate symbolise « ce qui ne finit jamais » vient toucher la Couronne, Kether, première Séphirah, celle qui est au-dessus de toutes les autres, faisant référence aux choses qui sont au-delà de ce que l’esprit a la capacité de comprendre. Fort de ce parrainage, notre Bateleur s’introduit par cette lame dans le Monde manifesté.
Sa main droite est abaissée et nous montre un denier, symbole de ces « métaux » dont l’Initié doit apprendre à se dépouiller ; la gauche tient une baguette, symbole du pouvoir de la volonté sur la matière. Cette baguette est pourvue d’une boule à chaque extrémité. Sur certains tarots, les boules sont réputées être d’ivoire ; ici, celle du bas est bleue, tandis que celle du haut est rouge. Nous nous rappellerons qu’Oswald Wirth était franc-maçon, et comprendrons que l’Initié commence au bleu (les trois premiers degrés maçonniques, ceux des « loges bleues ») pour s’élever jusqu’au rouge. Nous retrouverons sur la lame n°12 cette idée d’élévation.
Tandis que l’Aleph primitif nous rappelle l’antiquité des traditions qui sont ici évoquées, les quatre objets (épée, coupe, denier, bâton — ou baguette) nous renvoient au quaternaire qui sera représenté sur la 21e lame du tarot (Le Monde) par les symboles associés aux quatre évangélistes : l’ange, l’aigle, le bœuf, le lion. Mais notre personnage n’en est qu’au début de son cheminement, aussi ne dispose-t’il que des symboles des plus anciennes traditions.
Observons la table sur laquelle sont posés trois des quatre éléments. Son plateau n’est ni rond ni carré, mais a la forme d’un rectangle, ou plus exactement d’un « carré long », c’est-à-dire d’un rectangle deux fois plus long que large, comme s’il avait été formé de deux carrés juxtaposés. C’est aussi la forme du rectangle qui entoure chaque sujet des lames du tarot. Et c’est sur un « carré long » que l’on dispose le « tapis de loge » en franc-maçonnerie, reprenant là encore de très anciennes traditions.
Le plateau prend appui sur trois pieds, disposés comme s’il devait y en avoir un quatrième, actuellement invisible. De même, trois piliers encadrent le tableau dans la loge maçonnique, sur trois côtés, le quatrième restant libre. Chacun d’eux porte un nom symbolique.
Les pieds de notre personnage ont une position caractéristique. Pour un profane, la position semblera seulement garante d’un bon équilibre. Pour le franc-maçon, ces pieds « à l’équerre » prennent un sens particulier.
Les 22 lames du tarot résument symboliquement le cheminement de toute initiation. Nous verrons bientôt comment les changements apportés sur la deuxième lame, la Papesse, entre le premier tarot de 1889 et le second de 1926, témoigne de l’évolution de l’ésotérisme en France entre ces deux dates.
Commentaire (1)
J’aime bien cette prédication du tarot